Vous avez probablement déjà entendu l'expression «manger ses émotions». J'ai l'impression que l'alimentation en lien avec les émotions préoccupe beaucoup de gens... Mais, est-ce que c'est un concept réel « manger ses émotions »? Si oui, est-ce que c'est normal? Est-ce que c'est grave? Parlons-en!
Premièrement, il est important de savoir que oui, les émotions influencent nos choix alimentaires, mais aussi que les aliments influencent nos émotions. L'étude de Macht (2008) décrit 5 voies par lesquelles les émotions ont une influence sur l'alimentation. C'est par ces 5 voies que je vais vous expliquer comment les émotions affectent nos choix alimentaires. Gardez en tête que selon cette étude, il existe plusieurs « types de mangeurs » et que selon le type qui vous correspond, chaque voie vous parlera ou non, et ce à différents niveaux. Les aliments consommés seront aussi différents selon votre « type de mangeur ». Cependant, il y a de grandes chances que vous vous reconnaissiez dans au moins un de ces 5 aspects, alors n'arrêtez pas de lire! ;)
Les concepts qui suivent m'ont été expliqués dans mon cours de Psychologie de l'alimentation à l'Université d'Ottawa. Les références seront au bas de l'article.
1. Contrôle émotionnel des choix alimentaires
Cette première voie décrit le fait que les aliments à eux seuls peuvent évoquer des émotions. Des aliments très riches en calories, en gras et en sucre peuvent nous faire ressentir des émotions positives et donc on peut avoir tendance à en manger en plus grande quantité. Au contraire, des aliments plus amer, rances ou pourris nous font ressentir des émotions plus négatives, ce qui favorise le rejet de ces aliments. Aussi simple que ça!
2. Suppression émotionnelle de l'alimentation
L'exemple que ma professeure a donnée lors de mon cours est assez illustrateur : « Si un ours vous courrait après, vous n'auriez probablement pas envie de manger! » Ça s'explique par le fait que des émotions comme la peur intense et la tristesse profonde engendrent des réponses physiologiques (du corps) qui vont interférer avec la faim. Lorsqu'on a très peur, notre corps produit une réponse de « fuite-ou-combat », ce qui nous enlève l'envie de manger pour pouvoir se concentrer sur d'autres systèmes plus important à ce moment-là. Lorsque nous ressentons plutôt une tristesse profonde, dans certains cas il est possible de voir un désintérêt pour la nourriture et une diminution de l'appétit.
3. Diminution du contrôle cognitif exercé sur l'alimentation (lors de restriction alimentaire)
Lorsque nous avons un gros contrôle sur notre alimentation (notamment avec des règles strictes), il est plus facile de perdre ce dit contrôle lorsque nous sommes confrontés à des émotions. Le contrôle sur notre alimentation sera relâché et donc on risque de manger plus que désiré, puisque certaines émotions sollicitent les processus cognitifs que nous utilisons normalement en contexte de restriction alimentaire. Ces émotions sont aussi une source de «distraction», ce qui limite la capacité de notre cerveau à penser aux règles que nous nous imposons en temps normal. Bref, les émotions peuvent perturber notre contrôle cognitif que nous aurions en contexte de restriction.
4. Alimentation visant à réguler les émotions
Cette voie est probablement celle que vous associerez le plus à l'expression « manger ses émotions ». Celle-ci décrit le fait que nous mangeons plus lorsque nous vivons des émotions négatives d'intensité modéré, puisque nous cherchons une sorte de « récompense » et la nourriture peut donner cette dite récompense de façon immédiate. Cela peut nous faire du bien et peut nous distraire pendant un certain moment, mais l'alimentation n'améliore pas l'humeur à long terme. Est-ce que ça veut dire qu'on ne devrait jamais manger quand on ressent des émotions négatives? Bien sûr que non, le simple fait d'être conscient que cette « récompense » est temporaire nous aidera a faire un choix plus éclairé selon le contexte. Plusieurs scénarios sont possibles :
Je vais manger ce qui me ferait du bien, même si je sais que ce sera temporaire. C'est ce dont j'ai envie présentement et je me respecte dans mon envie.
Je vais essayer une autre tactique pour calmer mes émotions négatives, comme la pleine conscience, le yoga, la lecture, etc. Cela va probablement améliorer mon humeur à plus long terme.
Je vais manger un aliment que j'aime, sachant que ça me remontera le moral immédiatement, puis je vais ensuite aller faire une activité plus concrète pour améliorer mon humeur.
Je n'ai pas accès à un aliment qui me fera du bien présentement. Je vais donc calmer mon émotion d'une autre façon, et peut-être que plus tard aujourd'hui j'aurai accès à ce type d'aliments et à ce moment-là, je prendrai une décision selon mon envie.
Ces scénarios sont les premiers qui me sont venus en tête, mais plusieurs autres sont possibles et tout aussi valables. Je vous ai donné ces exemples pour vous faire comprendre que l'alimentation est une façon parmi tant d'autres d'aller mieux, et que ce n'est pas nécessairement la plus efficace à long terme, mais elle n'est pas interdite, ni dangereuse pour vous! ;) Je crois sincèrement que d'avoir plusieurs solutions à notre disposition est la meilleure chose à faire. Si le chien tête en bas (pour les yogis) est votre seule et unique façon de réguler vos émotions, cela peut être problématique lorsque vous serez confrontés à une émotion négative au travail. C'est la même chose pour l'alimentation, trouvez d'autres manières de réguler vos émotions et vous n'aurez probablement pas l'impression de toujours « manger vos émotions ».
5. Modulation de l'alimentation en conformité avec les émotions
Cette dernière voie du modèle de Macht (2008) explique que lorsque nous vivons des émotions positives, notre motivation à manger est plus élevée et les aliments ont tendance à être «meilleurs» au goût. Le contraire est aussi observé : lorsque nous vivons des émotions négatives, il est possible que la nourriture soit moins attirante et que nous la trouvions moins bonne au goût.
Sources/références :
1. Macht, M. (2008). How emotions affect eating : A five-way model. Appetite, 50(1), 1‑11. https://doi.org/10.1016/j.appet.2007.07.002
2. Cours de Psychologie de l'alimentation (Université d'Ottawa), Module 15 : Stress et Alimentation II, communication personnelle, M-C. Audet, 21 mars 2021
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